Au parlement

 

Du respect des droits fondamentaux dans la lutte contre la pandémie de coronavirus

 

Nous sommes toujours confrontés à la crise du Coronavirus et d’ores et déjà tout le monde peut se dire voire espérer que le monde de demain, à la sortie de cette crise, devra être différent du monde d’aujourd’hui et que nous ne sortirons pas inchangés de cette crise. Mais dans l’immédiat, l’heure est à la mobilisation, à la recherche de solution, à la recherche de précision aussi des gouvernements qui veulent agir avec le plus d’impact possible pour enrayer cette pandémie dévastatrice.

 

Précision. C’est justement l’argument avancé par la Commission européenne et son commissaire au Marché Intérieur, Thierry Breton, pour justifier la mise en route d’un dispositif de partage des données mobiles des citoyens européens mis au point avec les opérateurs téléphoniques. Grâce à ces données mobiles et la géolocalisation, il serait possible de voir d’une part si les mesures de confinement sont respectées -et ajuster les prévisions en fonction- et de repérer les mouvements de population, les tendances de propagation du virus, et les possibles impacts sur les systèmes de santé et les stocks de matériel médical nécessaire par exemple. Savoir qu’1,2 million de Franciliens ont quitté l’Ile de France juste avant le confinement est une donnée importante.

Mais la lutte contre le coronavirus ne saurait être l’occasion de jeter les droits fondamentaux « avec l’eau du bain » et c’est pourquoi ce partage des données doit à mon sens être encadré ; il doit prouver sa réelle nécessité dans la lutte contre la pandémie pour que son recours respecte le principe de proportionnalité, deux notions de référence dès lors qu’on aborde la question des données personnelles.

La Commission nous dit que ce partage serait en conformité avec le règlement général sur la protection des données personnelles (RGDP) car il concerne des données anonymisées et agglomérées. Je ne pense pourtant pas qu’il puisse faire l’économie d’un débat parlementaire s’il venait à être généralisé et devra en tous les cas apporter toutes les garanties nécessaires de respect de la vie privée et des droits fondamentaux et de durée d’activité, et ce en toute transparence. Dit autrement, il faudra savoir qui traiterait ces données car leur analyse par des tiers devrait être rigoureusement contrôlée.

Le monde de demain sera différent ? Certes, mais seulement si les droits fondamentaux demeurent une valeur cardinale. La pandémie ne doit pas être une excuse pour saper les fondements précieux de nos sociétés comme c’est déjà parfois le cas – je pense à la Hongrie où V. Orban a réussi à mettre l’Etat de droit à terre.

Sylvie Guillaume

Publié le 2 avril 2020 à 17h04


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