Le Parlement européen a adopté cette semaine sa position sur le DMA (digital markets act) : la proposition de législation pour les marchés numériques.
Pendant du DSA (Digital services act) qui aborde les services numériques, cette législation s’attaque pour sa part aux pratiques déloyales utilisées par les très grandes plateformes pour assurer leurs positions dominantes, donc contrôler l’accès des concurrents à ces marchés numériques et s’imposer passerelles entre les utilisateurs professionnels et utilisateurs finaux.
Les services numériques couvrent un large éventail de nos activités quotidiennes, notamment les services d’intermédiation en ligne, tels que les places de marché, les services de réseaux sociaux les moteurs de recherche…Le pouvoir et le mode de fonctionnement de ces « gardiens » pourraient encore s’étendre aux services publics (soins de santé, éducation). Aujourd’hui déjà, ils fournissent des services d’intérêt général dont dépendent les citoyens, les entreprises et les travailleurs et la pandémie de COVID-19 a exacerbé cette tendance. C’est pourquoi il est grand temps de rééquilibrer leurs pouvoirs. Le DMA se veut ainsi un instrument du marché intérieur en complément du droit à la concurrence.
Le DMA établit donc un ensemble de critères objectifs pour qualifier une grande plateforme en ligne de “gardien ” et leur impose de nouvelles obligations. Une grande partie du débat s’est concentrée sur la définition des seuils pour désigner ces plateformes structurantes. L’alternative était d’en viser moins (les GAFAMs et Alibaba) avec des seuils de désignation très élevés ou d’en viser plus en les abaissant et en élargissant également la liste des services fournis. C’était l’option prise par notre rapporteure pour les Socialistes et Démocrates, Evelyne Gebhardt, qui a réussi à réorienter la proposition du rapporteur du Parti populaire européen Andreas Schwab très orienté vers l’industrie. Au final, nous avons un texte progressiste pour les consommateurs, salué par le Bureau européen des consommateurs (le BEUC) mais aussi résistant à l’épreuve du temps dans ce domaine de technologie à évolution si rapide.
J’insiste sur les obligations que le Parlement veut imposer à ces plateformes, comme une plus grande interopérabilité pour les services auxiliaires mais surtout l’interdiction de toutes une série de pratiques usuelles des plateformes comme les ventes liées, le traitement des données personnelles à d’autres fins sans consentement, l’auto-référencement (la promotion prioritaire par les plateformes de leurs produits au détriment de ceux des concurrents), de l’utilisation de « dark patterns » (le fait d’utiliser l’interface pour manipuler le comportement de l’utilisateur). Les consommateurs pourront également désinstaller les applications fournies par défaut avec les appareils.
Victoires plus emblématiques encore pour notre groupe, ce sont celles concernant la publicité ciblée : elle sera interdite pour les mineurs car le traitement de leurs données personnelles à des fins de marketing direct, de profilage ou de publicité comportementale ne sera pas autorisé. Elle sera soumise à consentement pour les adultes avec la garantie d’une minimisation des données, la limitation du traitement des données sensibles.
Enfin, le DMA a été ajouté à l’annexe de la directive sur les actions représentatives pour garantir des recours pour les consommateurs et l’application effective de leurs droits.
Désormais, c’est à la phase de trilogue avec le Conseil européen et la Commission de débuter début janvier sous présidence française qui veut le propulser en fer de lance. Nous espérons que ces propositions ambitieuses pour les consommateurs seront conservées dans la législation finale.