Les « Big Four » (et les autres) : attention aux dommages collatéraux
Avec 72 autres eurodéputés, j’ai cosigné le 30 mars 2021 une lettre à l’attention de la Présidente de la Commission européenne et du Vice-Président de la Commission en charge du portefeuille pour une économie au service des personnes afin d’obtenir une plus grande transparence et une justification pour la place de plus en plus prégnante que prennent les cabinets de consultants dans la définition des politiques publiques et aussi bien sûr dans le budget de l’Union européenne.
En effet, un récent article a mis en lumière le fait que l’exécutif a passé, entre 2016 et 2019 plus de 462 millions d’euros de contrats avec les « Big Four » (PricewaterHouseCoopers, KPMG, Deloitte et Ernst&Young) sans compter les autres. A titre d’exemple, en 2019, dans le cadre du programme d’appui aux réformes structurelles, les sommes allouées à ces cabinets ont représenté un tiers du budget affecté au programme. C’est énorme et cette tendance va malheureusement croissant.
L’exécutif justifie généralement le recours aux cabinets de consultants par le besoin d’expertise, d’objectivité parfois ou encore d’efficacité. Mais tant les moyens démesurés dépensés que l’efficacité interrogent. Ainsi par exemple, à l’échelon national l’efficacité de la performance du cabinet McKinsey dans le déploiement de la stratégie vaccinale est questionnable, malgré un contrat juteux à 2 millions d’euros par mois.
Il faut en outre être attentifs aux risques de conflits d’intérêts, comme il est apparu quand la Commission européenne a attribué une étude sur la finance durable au gestionnaire d’actifs BlackRock, plus gros investisseur mondial dans les énergies fossiles (relire mon article : Il faut blacklister BlackRock !). A la suite de cet incident, la médiatrice européenne avait jugé que la Commission européenne aurait dû être plus vigilante face à de possibles conflits d’intérêts et pointé du doigt le flou des règles en vigueur.
Justement, la Commission européenne vient de publier à point nommé le 7 avril ses lignes directrices pour identifier et éviter les conflits d’intérêts dans le déboursement de fonds européens et l’attribution des marchés publics suite à cette affaire. Reste à tester ces lignes directrices à l’épreuve de la réalité : une obligation de déclaration des conflits d’intérêts suffira-t-elle vraiment ? Affaire à suivre.